G.Gastaud : Quelques réflexions préliminaires sur les «questions sociétales»

Tenus de faire front sur les deux principaux terrains de l’affrontement politique national et mondial – l’approfondissement de l’antagonisme social Capital-Travail et l’accentuation des contradictions entre les politiques impérialistes et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes – les marxistes ont eu quelquefois tendance ces dernières décennies à fuir les débats « sociétaux », à n’y voir qu’une pure diversion mise en place par la social-démocratie pour échapper à un positionnement loyal dans la lutte des classes. Bien entendu, cette dimension de diversion existe bien dans le constant déplacement de la « gauche bobo » du terrain « social » vers le terrain « sociétal » et il y aurait de la naïveté à méconnaître le fait qu’en France, le pouvoir « hollandais » en pleine dérive patronale et euro-fédéraliste entend exploiter le « mariage homo » pour redessiner le clivage droite-gauche sur un terrain moins brûlant que celui des salaires, de la Sécu, des retraites, du produire en France ou de la défense des services publics. Cela ne signifie pas pour autant que lesdits problèmes sociétaux n’existent pas, qu’ils n’ont pas une réel et très légitime ancrage de masse – notamment dans la jeunesse et dans les « couches moyennes » – et qu’il soit impossible aux marxistes de les aborder à partir de positions de classe et dans la perspective globale de l’émancipation sociale. Nous ne pouvons pas ici traiter sur le fond l’ensemble de ces problèmes très complexes, ni fournir une argumentation clé en main sur tous ces sujets fort délicats[1]. Nous souhaitons seulement avancer quelques pistesméthodologiques pour permettre aux militants franchement communistes et franchement progressistes d’adopter sur ces sujets des positions fédératrices et mobilisatrices susceptibles d’aider au combat politique GENERAL de l’organisation. Il s’agit en l’occurrence d’éviter deux erreurs symétriques :
  • la première, caractéristique de l’opportunisme et du révisionnisme de droite – donc de la direction mutante, européiste et petite-bourgeoise du PCF-PGE – consiste à diluer et à minimiser la contradiction capital/travail, à flatter l’approche communautariste des problèmes, à penser toutes choses en termes de « minorités opprimées», à se désintéresser du combat pour une République souveraine, sociale et fraternelle, en un mot à dissoudre le « social » dans le « sociétal ».
  • La seconde approche, sectaire, ouvriériste et gauchisante, consiste au contraire à hausser les épaules, à refuser d’investir ce terrain de la lutte idéologique, à le décréter intrinsèquement «  petit-bourgeois ». Il s’agit là d’une grave erreur qui revient à abandonner le terrain aux disputes superficielles et piégées entre la réaction et la social-démocratie, entre le camp des « beaux-beaufs » et celui des « bobos ». En réalité, le rôle de la classe ouvrière et de son avant-garde marxiste est de DIRIGER – du point de vue prolétarien ET universaliste qui est celui du communisme – la lutte de l’humanité pour sa désaliénation sociale, économique, idéologique, et même anthropologique, sans exclure a priori aucun des terrains de lutte où se joue cette émancipation ; et il convient pour cela d’articuler les enjeux « sociétaux » au combat général pour le socialisme et le communisme.
Nous aborderons plusieurs sujets fort différents à très gros traits en appelant explicitement nos camarades à s’engager EN MARXISTES sur ces sujets en faisant abstraction autant que possible de leur « ressenti » purement individuel et en ayant aussi le souci, que doit partager tout communiste, non pas seulement d’affirmer des positions « justes en soi », mais de chercher à unir leur organisation en inscrivant leur réflexion dans le combat d’ensemble pour la renaissance communiste et pour l’alternative populaire. En apparence il est aberrant d’aborder dans un même article l’« ordre juste » (sic), l’immigration et le « mariage pour tous » (sic). En réalité, partir de questions aussi différentes peut s’avérer indispensable pour mettre à jour l’unité de la METHODOLOGIE MARXISTE, c’est-à-dire pour introduire le point de vue de classe dans le traitement théorique et pratique des problèmes « sociétaux ». Pour ma part je ne pars pas de rien sur ces sujets puisque pour une bonne part, mon livre de 2007 – publié en 2009 par le Temps des cerises – Sagesse de la révolution, aborde plusieurs de ces questions en mettant au cœur de sa réflexion le rapport entre dialectique de la nature, sens de l’histoire et sens de la vie. I – De l’ « ordre » et de la « liberté » dans la vie sociale d’un point de vue de classe prolétarien et communiste. De la « sécurité ». De la « discipline à l’école ». « Tu combats l’injustice : pour toi, c’est le seul désordre ». Paul Eluard Plusieurs instituts de sondage font état d’un « glissement à droite généralisé » (sic) de la société française. L’un de leurs arguments est que les personnes sondées font état d’un grand attachement à la nation (comme si la nation appartenait à la droite et comme s’il n’existait pas un cosmopolitisme réactionnaire !) et surtout, d’une plus grande exigence d’ « ordre » et de « sécurité », ces « valeurs de droite bien connues ». La stupidité de cette appréciation sondagière saute aux yeux. Toute société a besoin d’ordre et de sécurité, et si elles méritent leur nom de « sociétés » et de sociétés « communistes », les sociétés futures ne feront sûrement pas exception à cette règle. Dans une société communiste mondiale enfin débarrassée de l’exploitation de classe, des armées permanentes, des mafias mondialisées, du gangstérisme, des Etats policiers, de l’idéologie de la violence, de la croyance aux « surhommes » (donc, aux sous-hommes…) et de la fascination exterministe pour l’apocalypse finale, les individus humains ayant enfin tous les mêmes intérêts sociaux fondamentaux, « le développement de chacun » étant devenu la base – comme le dit le Manifeste du Parti communiste – du « développement de tous », la base objective de l’ordre, de la justice, de la moralité véritable (c’est-à-dire principalement, du civisme) et de la sécurité collective sera même incomparablement plus solide que dans nos chaotiques et très criminogènes pays capitalistes en crise « aiguë-chronique ». Dans la jungle de la mondialisation capitaliste et de l’Europe néolibérale prédomine en effet le très officiel et très nocif principe de « l’économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée » (article VI du Traité de Maastricht). En clair, cela signifie qu’aujourd’hui, la « loi » et l’ « ordre » interdisent de manière totalitaire à toutes les nations d’Europe tout autre fonctionnement que celui qui repose sur la guerre économique de tous contre tous. En clair, nos sociétés impérialistes sont des JUNGLES[2]. En pratique, c’est la destruction socialement organisée du lien social : des services publics, des productions nationalement organisées, de la protection sociale, et même de ce B.A.-BA du lien interindividuel que sont les langues nationales, balayées par le « tout-anglais » imposé par l’élite. Formant l’arrière-plan de la vie sociale, cette jungle sociale tend non seulement à durcir l’antagonisme entre les classes sociales, la concurrence entre les nations (et, à l’intérieur des nations entre les « régions » et entre les « communautés »), mais à cabrer les uns contre les autres les empires capitalistes continentaux et transcontinentaux, qui veulent s’approprier – au besoin par la guerre – les marchés et les matières premières. Cette jungle sociale du capitalisme désormais « libéré » du contrepoids que lui opposait le camp socialiste mondial dresse AUSSI les uns contre les autres les individus les moins conscients de la classe dominée : si solidaires qu’ils soient de par leurs intérêts de classe objectivement communs, nombre de prolétaires sont et se sentent concurrents les uns des autres sur les différents marchés où s’achète et se vend la force de travail dans ce marché aux esclaves moderne qu’est le système capitaliste : « marché de l’emploi », marché de l’accès au logement et des « aides sociales » (=course au clientélisme politique et au « piston »), marché sanitaire et éducatif que deviennent à vitesse V l’école et la médecine. Derrière le discours idéaliste sur la « fin des frontières », la segmentation sociale et territoriale ne disparaît pas : au contraire, elle se re-déploie d’une manière anarchique et elle finit par s’aggraver dans des cadres territoriaux plus étroits/et-ou trop larges qui s’avèrent bien moins favorables à la classe prolétarienne que l’échelon national. On assiste ainsi à de graves effets de ghettoïsation sociale (ghettos de la misère, mais symétriquement, insularité de l’habitat « nanti » barricadée dans des zones pavillonnaires bardées de caméras), replis communautaires divers (ethniques, religieux, voire sexuels) ; le Front « national » constitue de ce point de vue le principal parti ethno-communautariste. Des études très sérieuses montrent que ce parti est de plus en plus territorialisé (de brillantes études sociologiques montre combien le grand périurbain devient la zone-cible de Marine Le Pen). Non seulement ce Front PSEUDO-national, qui usurpe le nom de l’organisation unitaire de combat créée par le PCF pendant la guerre, n’aide pas à combattre les replis identitaires des minorités issues de l’immigration afro-maghrébine : bien au contraire, il exacerbe ces replis, il s’en nourrit lui-même et il alimente le puant racisme « petit-blanc » et son sous-produit réactif, le communautarisme « coloré »[3], en enfermant chaque jeune citoyen dans sa « banlieue », sa religion et son « origine » réelles ou fantasmées. A – Leur « ordre » et le nôtre. 1 - « Marshal – ou shérif – nous voilà !  » (sic) ? De la sarko-reaganisation des esprits. Les marxistes éviteront donc de tomber dans deux panneaux grossiers. Le premier, clairement fascisant, conduit à idéaliser l’ « ordre » en soi et à idolâtrer « la » discipline en général, sans jamais s’interroger sur leurs contenus de classe respectifs : ordre pour qui, discipline s’exerçant sur qui et au profit de qui – de quelle classe sociale – ? C’est la figure inlassablement ressassée par les films américains du FLIC-SHERIF faisant régner « the law and order », alors qu’à l’arrière-plan de cette vision « westernisée » de la société, on a tout l’imaginaire nauséabond de la « conquête de l’Ouest » et du très cauchemardesque American Dream : le génocide des Amérindiens, la traite négrière et le Ku-Klux-Klan, l’individualisme forcené du « pionnier » patriarcal brandissant la Bible dans sa senestre et la Winchester dans sa dextre, le tout sur fond de potences, de surarmement généralisé des individus, de machisme exacerbé et de militarisme effréné (la cavalerie venant tirer la veuve et l’orphelin des griffes des vilains Apaches). Outre-Atlantique, on pense immédiatement aux cow-boys/politiciens John Wayne, Charlton Eston et Ronald Reagan (tous trois porte-drapeaux de la pire réaction US…), principales figures contemporaines de ce que par ailleurs j’ai nommé l’exterminisme, ce stade suprême de l’impérialisme. Inutile de dire que ce « modèle » brutal est parfaitement adapté idéologiquement à la phase intense de fascisation sociale et idéologique que vivent à des degrés divers les grands Etats capitalistes, dont la France. 2 – De l’ordre « libéral-libertaire » à la libéral-fascisation. Faisant face à ce modèle machiste, et le complétant parfaitement, on a le modèle « libertaire » où l’individu ne reconnaît plus aucune loi, ni naturelle ni sociale. L’individu-roi ne reconnaît plus d’autre ordre que son « désir » souverain, jamais très éloigné en réalité – tant cette conception du désir est éloignée de ce que nous apprend la psychanalyse sur la vérité du désir – de l’intérêt sordide de l’ Homo œconomicus de la vieille pensée bourgeoise. Prenant appui sur les avancées de la technologie, ce dérisoire petit homme-dieu veut désormais échapper à la loi biologique de sexuation, soit en choisissant lui-même le sexe de ses enfants, soit en se réclamant d’une théorie du genre qui revient à nier l’existence d’un lien, si complexe et indirect qu’il soit, entre le sexe biologique et le genre socio-culturel, il veut pouvoir échapper à son gré au réel – faute de vouloir le transformer – par l’usage banalisé des hallucinogènes ; il veut certes encore procréer ou enfanter, mais il se refuse à assumer l’éducation de sa progéniture (y compris ses côtés éventuellement déplaisants). Il refuse également de vieillir et finit par trouver scandaleuse sa mort elle-même… (bien qu’il soit d’une indifférence congestionnante à l’égard de la méga-mort anonyme qui décime chaque jour les mômes du tiers-monde). Alors que l’individu « libéral-libertaire » se refuse à faire le moindre geste pour combattre ce qui dépend de lui : la réduction des injustices sociales, ce personnage veule et méchant cultive de manière idéaliste, voire carrément délirante et fantasmatique, un narcissisme infantile et une frivolité exacerbée qu’exacerbent à égalité les revues « féminines » (type Elle, Burda, Biba, Cosmopolitan, etc.) et les revues « viriles » (FHM, MFH, etc.). Il n’est pas difficile de voir que ce « capitalisme de la séduction », qu’a épinglé naguère le sociologue marxisant Michel Clouscard, va comme un gant à la société néolibérale : derrière l’apparence rose bonbon de ce monde infantile et sucré, on a tôt fait de retrouver la « guerre de tous contre tous » annoncée par Hobbes, le rejet de la chose publique, de l’héritage démocratique national et du bonheur commun, l’incapacité à distinguer sagement ce qui, dans des conditions historiques données « dépend de nous » de ce qui, dans les mêmes conditions, « ne dépend pas de nous »[4] et doit donc être stoïquement supporté par tout homme raisonnable. On est alors en pleine démesure, en plein hybris comme eussent dit les philosophes grecs, le culte de l’hybride, du mutant, pour ne pas dire du monstre, devenant un idéal social proposé aux enfants depuis le berceau. Faut-il dire que marxisme, cette théorie matérialiste, rationaliste et scientifique de l’émancipation sociale, n’a rien à voir avec ces utopies faussement hédonistes qui mènent tout droit au « Meilleur des Mondes » capitaliste et totalitaire, ce « brave new World » sarcastiquement décrit par le romancier anglais Aldous Huxley ?
  1. De l’ordre « bobo » à l’ordre « beauf-beauf » et réciproquement.
Or, non seulement il n’y a pas opposition véritable entre le modèle « macho-autoritaire » et le « contre-modèle » libéral-libertaire, mais ces deux anti-modèles symétriques s’accordent et se complètent parfaitement pour opprimer la masse des individus DE LA CLASSE DOMINEE tout en laissant les mâles dominants de la classe dominante, les Sarko et les DSK, combiner pour eux-mêmes les avantages des deux postures : je suis hédoniste, donc je cours sans relâche les top-modèles, j’accumule flirts et divorces à grand spectacle, je jouis sans entraves de Carlton en Sofitel et de Sofitel en Fouquet’s, j’accapare l’argent, le pouvoir et la rente médiatique ET PAR AILLEURS je te joue les gros bras, je me te massacre le tiers-monde et l’Europe latine à coups de plans d’alignement structurel, d’assainissement de la zone euro, d’opération « plomb durci » et de « tempête du désert », je me te vous purge les pauvres au karcher en envoyant partout la BAC – si honorablement connue à Marseille… – tout cela sous l’autorité léchée de MAM ou de Manuel Valls. Bref, nous marxistes, qui postulons au rôle de porte-parole du prolétariat révolutionnaire, n’avons pas à choisir entre les « bobos » hédonistes – dont la figure de proue (je ne discute pas le talent évident du chanteur) a longtemps été Serge Gainsbourg – et les beaufs-beaufs dont le chanteur-phare reste le très réac Michel Sardou. Car à l’arrière-plan de ces deux figures idéologiquement symétrisées de la libéral-fascisation, on n’est pas long à retrouver la « tenaille » politico-idéologique que le PRCF et « Initiative communiste » s’emploient inlassablement à dénoncer : celle que resserre sur notre peuple, pour mieux liquider l’Etat-nation, les acquis sociaux et le mouvement ouvrier lui-même, le Parti Maastrichtien Unique (PMU-bis) composé du PS, du « Centre », des Verts et de l’UMP (dont les liens avec les bobos des centres-villes « métropolisés » – on pense à Delanoë et à Paris, à Collomb à Lyon,à Aubry et Lille – sont évidents) et l’UM’Pen en gestation autour du tandem Le Pen/« Sark-Copé ». Ni PMU-bis ni UM’Pen en politique, mais combat de classe anticapitaliste et émergence d’un nouveau CNR sortant la France de l’UE et de l’euro en associant le combat social, le combat patriotique et l’engagement internationaliste ; ni beaux-beaufs racistes et machistes, ni bobos « gendéristes » et anti-républicains, nous devons au contraire chercher une ligne prolétarienne indépendante susceptible de diviser nos ennemis de classe tout en unissant autour des prolétaires tous ceux qui luttent pour l’émancipation humaine.
  1. De l’ordre prolétarien.
« En combattant pour elle la classe ouvrière / Apportera un nouvel ordre sur la terre / Au coude-à-coude restons unis prolétaires / Car l’union nous rendra forts ». « Solidarité mes frères », marche du Front populaire. Car les pays socialistes, que la contre-révolution des années 90 a détruits pour le plus grand malheur de leurs peuples, ont connu une toute autre forme d’ « ordre » et de « sécurité ». Bien entendu, certaines formes de cet ordre portaient un caractère policier et suspicieux pénible dont nous avons eu maint témoignage de la part de militants communistes qui jugeaient ces comportements étatiques parfaitement contre-productifs : en guise de preuve a contrario, Cuba socialiste – où l’on peut tranquillement dénigrer le régime castriste dans la rue à deux pas d’un policier indifférent – a bien mieux résisté que la Roumanie de Ceausescu, où les étudiants vous emmenaient dans les coins reculés pour « vider leur sac », – y compris quand ils se déclaraient membres partisans du PCR ou du TCR. Erich Honecker a d’ailleurs critiqué indirectement la Stasi, qui a joué un rôle central, à l’instigation de Gorbatchev, dans le « tournant » anticommuniste de 1989 qui ouvrit la voie aux liquidateurs de la RDA. Il ne s’agit donc nullement d’exalter ici on ne sait quel « ordre » vétilleux s’ingérant grossièrement dans les pensées intimes ou dans la conduite des individus : déjà le philosophe hollandais Spinoza, père des conceptions républicaines et laïques en Europe, avait ridiculisé la prétention de certains Etats à régenter les pensées humaines. L’auteur du Traité théologico-politique expliquait au contraire que cette prétention, en soi irréalisable, à dominer l’intériorité d’autrui, ne peut en réalité qu’affaiblir à long terme l’Etat qui s’y réfère, car « nul ne peut faire aimer ce qui suscite l’hilarité et l’indignation », ni faire haïr DURABLEMENT (quand on est dans un Etat « républicain », c’est-à-dire mû par l’intérêt objective la population – « ce qui suscite le respect du peuple » sans susciter contre l’Etat la haine sourde, puis le courroux explosif d’une masse de citoyens). Bref les formes de l’indispensable dictature du prolétariat doivent toujours être MESUREES et autorégulées sous peine de les voir se retourner un jour contre le pouvoir populaire ; en particulier, elles ne doivent jamais se faire si répressives qu’elles n’indisposent lourdement la population travailleuse dans sa vie quotidienne, ni à l’inverse s’affaiblir au point qu’elles permettent à la réaction de se réorganiser pour renverser le socialisme[5]. Il n’empêche que ces aspects suspicieux fort désagréables, qui résultèrent pour l’essentiel, non de la nature même du socialisme mais de la « paix chaude » ou de la guerre froide que lui infligèrent les pays capitalistes, ne furent jamais l’essentiel de « l’ordre » socialiste. Tous ceux qui vécurent en ex-RDA regrettent aujourd’hui à bon droit et expérience faite des deux systèmes la solidarité qui régnait alors entre voisins, entre collègues de travail, entre étudiants, le sentiment général de sécurité de l’existence (logement bon marché, plein emploi garanti, médecine entièrement gratuite, scolarité égale pour tous, droit aux vacances, crèches pour tous les enfants, etc.), l’absence totale de grand banditisme, de trafic de drogue, de prostitution et de petite délinquance organisée – car la base infrastructurelle de ces phénomènes mafieux réside dans la propriété privée des moyens de production et dans ses conséquences : chômage de masse, discriminations, bas niveau culturel – voire abrutissement méthodique – d’une large partie de la population, trafics illicites tolérés, voire encouragés, qui permettent au prétendu « Etat de droit » capitaliste de déléguer de fait la « police » des quartiers « difficiles » aux caïds de la drogue et de la prostitution : les commerces des armes, de la drogue et de la prostitution ne sont-ils pas d’ailleurs les premiers « bizness » mondiaux à l’échelle de la totalité du « monde libre » capitaliste ? Pensons à l’insécurité de masse que les Etats-Unis entretiennent sur leur sol avec les armes en vente libre et avec, aux frontières Sud de l’Empire, une Amérique centrale livrée à la guerre des gangs, cet exutoire à la lutte révolutionnaire ! Pensons surtout au fait que dans la belle société capitaliste re-mondialisée par la contre-révolution, les trois principaux commerces mondiaux sont celui des armes, de la drogue et du sexe ! Pensons au fait que la « libre » Amérique où « tout est possible » est le pays du monde qui a le plus haut taux d’incarcération de sa population, un pays où dans certains Etats les prisonniers cassent des cailloux avec des chaînes aux pieds, où le Patriot Act légalise la torture et où les « peines-planchers » peuvent expédier en prison pour 25 ans un gamin (noir de préférence) de 17 ans coupable de deux vols de pizza ! Au demeurant, Henri Alleg a montré dans Le grand bond en arrière combien la restauration capitaliste fut synonyme pour la Russie postsoviétique d’insécurité de masse, non seulement au niveau social (quasi-suppression des retraites, des logements gratuits, des fermes collectives et de la protection médicale des travailleurs !), mais au niveau de la vie quotidienne, avec une montée en puissance de la mafia russe liée aux clans oligarchiques. Une mafia russe qui, au vu et au su de la droite UMP qui règne sur la Côte-d’Azur, gangrène l’économie des départements du Var et des Alpes-Maritimes ! Nous ne devons donc pas avoir peur d’exiger la paix et la sécurité dans nos communes et nos quartiers populaires. Nous n’avons pas à excuser et à idéaliser comme autant de Robins des Bois de banlieue les tristes sires qui flambent les voitures de leurs voisins prolétaires, les écoles maternelles du quartier ou les manifestations lycéennes faute d’avoir le courage d’attaquer au quartier-général de la bourgeoisie (« la souris ne connaît pas d’animal plus dangereux que le chat », disait Lénine…). « Pas de droit sans devoir, pas de devoir sans droit », proclame Pottier dans un couplet de l’Internationale.
  1. « Qu’as-tu appris à l’école mon fils ?». Pédagogie progressiste ou pédagogisme néolibéral ?
De même dans les écoles, on pourra trouver avec raison bien des circonstances atténuantes – eu égard aux incroyables violences invisibles qu’ils subissent du fait de la crise capitaliste – à certains ados fragiles qui affichent un comportement scandaleux à l’égard de leurs maîtres et, bien souvent, de leurs parents et de leurs condisciples. Pour autant, aucun enseignant ne devrait tolérer d’être humilié en classe , ni de céder en quoi que ce fût sur sa dignité personnelle et sur la dignité de sa fonction ; aucun ne doit non plus accepter que des proviseurs carriéristes ferment systématiquement les yeux, comme c’est souvent le cas aujourd’hui, sur les incivilités, les brutalités et les violences, en abandonnant de fait les enseignants à eux-mêmes… C’est d’autant plus vrai que, lorsqu’on laisse sans rien dire ni faire, un élève (souvent de milieu bourgeois) arriver systématiquement en retard en cours, s’ouvrir la porte d’une salle de classe d’un maître coup de pied puis roupiller ostensiblement en classe en faisant le malin, on pourrit toute une classe, on sacrifie la majorité à la petite minorité et on fait une croix, à la fois sur le devenir des élèves sérieux mais en difficultés (la grande majorité, encore aujourd’hui !), et sur celui de l’école publique elle-même : car dans de telles conditions, comment s’étonner que certains parents, y compris de gauche et de milieu populaire, ne « se saignent aux quatre veines » pour inscrire leurs enfants à l’école privée, réputée à tort ou à raison, mieux « tenue » sur le plan du climat scolaire ? Comment s’étonner pour finir que la sélection sociale s’aggrave et que ce laxisme scolaire nuise en priorité – les statistiques l’attestent – aux enfants issus des milieux les plus populaires ? Il faut donc en finir avec le préjugé « libertaire » (en fait, néolibéral !) selon lequel une pédagogie émancipatrice doit s’accommoder d’un climat de sauve qui peut ! dans les établissements. Répétons-le: sans un climat de travail dans les établissements, sans le soutien décomplexé de la nation et de l’administration aux enseignants qui « vont au charbon »[6], aucune expérimentation pédagogique libre n’est possible. Porté par le SGEN-CFDT et par l’UNSA – les principaux relais « syndicaux » des contre-réformes scolaires (Allègre, Fillon, Chatel, et bientôt, Peillon) – le « pédagogisme » actuel n’est que l’accompagnement idéologique des contre-réformes scolaires désastreuses pour les futurs salariés-citoyens qu’est censée former l’Education nationale. Prôner l’ordre républicain et socialiste, ce n’est donc nullement se prononcer sur l’orientation pédagogique (classique, non directive, etc.) des enseignements dispensés dans l’école publique. L’auteur de ces lignes a longtemps milité au GFEN avant de s’en détourner en raison du ralliement de fait de cette association, initialement présidée par le psychopédagogue communiste Henri Wallon, aux utopies néolibérales du SGEN-CFDT. Au cours de sa carrière, l’auteur de cet article a pratiqué toutes sortes de pédagogies en fonction des buts poursuivis et des publics scolaires qui lui étaient confiés. Mais outre que dans une classe de philosophie non dédoublée de 35 élèves, où le prof peut très difficilement circuler entre les tables et où tout travail de groupe donne lieu immédiatement à un bruit très fatiguant, il est acrobatique de faire au long cours autre chose que du « magistral » ou du « magistral dialogué », la question politique ici posée n’est pas de nature principalement pédagogiqueLa pédagogie COMMENCE quand on a obtenu en classe un minimum d’ordre républicain, de politesse et de respect mutuel ; elle n’est pas – sauf cas très particulier – un succédané à la discipline et surtout, à la politesse, ce B.A.-BA du civisme et de la conscience politique. C’est seulement quand on obtient un climat de travail qu’on peut se lancer dans des expérimentations pédagogiques sensées, alors que le fait de fuir la « discipline », de feindre ignorer l’autorité et de croire pouvoir la compenser par une épuisante course à la pédagogie, ridiculise la pédagogie qui est aussitôt « lue » par certains élèves comme une preuve de faiblesse et de manque de confiance en soi. Il faudra bien évidemment revenir sur cette question de ce que peut être une pédagogie progressiste (G. Snyders) à notre époque car ce que nous venons de dire est volontairement lapidaire et sommaire : disons simplement ici qu’à l’inverse de ce que nous impose le pédagogisme actuel, principalement mâtiné de « compétences » à l’américaine, il nous semble impossible de détacher la pédagogie de l’élan général vers une société nouvelle qui seule peut donner au succès scolaire un autre sens objectif que celui de l’ « employabilité » capitaliste et du « chacun-pour-soi ». Lançons la discussion mais de grâce, ne tombons pas dans le panneau de SUPERPOSER les questions de discipline et de POLITESSE minimale dans les lycées (auxquelles les chefs d’établissement se dérobent trop souvent en laissant humilier les profs, spécialement les profs jeunes et les femmes), et la question de l’innovation pédagogique. La première est essentiellement d’essence syndicale, la seconde ouvre un tout autre débat et c’est une catastrophe pour les pédagogies progressistes et innovantes d’être sans cesse prétexte à couvrir les dérives administratives d’un ministère de l’Education nationale qui, depuis des décennies, confond démocratisme et laxisme faute de se doter des moyens financiers nécessaires pour relever le défi PEDAGOGIQUE de notre époque[7]. Notons pour finir que le refus sec qu’opposent certains courants « républicains » de s’intéresser aux recherches pédagogiques (un comble pour des enseignants !), que la confusion entretenue par eux entre instruire et instruire dogmatiquement, que l’opposition sèche et creuse entre instruire et éduquer, que le refus d’articuler les approches syndicales et les approches pédagogiques de la transformation scolaire, n’aident pas – c’est un euphémisme – à combattre le pédagogisme néolibéral. Il s’agit en réalité de positions en miroir que les enseignants communistes et progressistes doivent apprendre à déconstruire pour articuler selon leurs niveaux propres de pertinence l’intervention politique, l’intervention syndicale et l’intervention pédagogique dans le champ de la transformation scolaire.
  1. Faut-il aimer « la police de mon pays» ? Du contenu de classe des appareils répressifs d’Etat.
Nous ne devrions pas non plus idolâtrer la prétendue « police républicaine », comme disait niaisement Robert Hue, ni la « justice de mon pays » à laquelle G. Marchais s’en remettait si naïvement pour poursuivre ses diffamateurs anticommunistes d’alors, ni à « l’école de la République »[8]. Quand nous refusons la fermeture d’un commissariat (et mieux vaut en effet préférer la police nationale aux polices municipales souvent teintées d’esprit partisan, et a fortiori les « voisins vigilants », ce vivier du FN), ce ne doit pas être en idéalisant la police bourgeoise. Nous devons réclamer haut et fort la dé-fascisation de la police, où l’extrême droite recrute ouvertement au moyen de certains « syndicats » musclés, et mettre en cause radicalement ces corps de répression de classe que sont intrinsèquement les CRS, sans parler de la BAC, dont on a vu à Marseille à quoi elle pouvait servir concrètement derrière les méthodes de cow-boys qu’elle se complait à utiliser contre les jeunes. En résumé, nous ne devons pas oublier, sous couvert d’ordre et de sécurité républicains, tout ce que le marxisme nous a enseigné de manière parfaitement démonstrative sur le caractère de classe de l’Etat bourgeois et de ses appareils répressifs (Engels, Lénine) ou idéologiques (Gramsci, Althusser). Pas question donc de fermer les yeux sur les violences policières, sur le racisme d’Etat, sur les contrôles au faciès et sur l’homophobie, ni de cautionner les pratiques de flicage et de chasse à l’homme, voire de semi-pogrom qui se sont récemment développées dans le Midi sous couvert de chasse aux Roms… Ce serait oublier que l’élargissement de l’UE à l’Est européen – en clair, l’annexion, la recolonisation et la désindustrialisation massive des ex-pays socialistes par l’Allemagne capitaliste unifiée et par l’Europe de l’ouest – ont ouvert les vannes de ces flux migratoires de la misère dont la droite a aujourd’hui le culot de s’emparer pour diviser notre classe ouvrière à coup de slogans racistes ; ces habitants des quartiers populaires, il nous faut avant tout les réconcilier contre la « construction » européenne promue par le grand capital destructeur des nations constituées : bref, l’intégration de tous ceux que le système marginalise est d’abord de nature politique.
  1. Le terrain principal de la lutte pour la sécurité : le « tous ensemble » contre l’UE et le grand capital.
Enfin n’oublions pas que le TERRAIN PRINCIPAL de notre lutte contre l’insécurité passe par la revendication sociale fédératrice : droit au travail, au logement, aux prestations sociales, aux soins, à l’école, aux vacances, à la culture, etc. Et le principal moyen que nous ayons, nous communistes, pour faire reculer l’insécurité dans les quartiers n’est pas l’appel systématique à la police (sans forcément l’exclure non plus : il est au contraire scandaleux que la « police républicaine » se désintéresse ouvertement de certains quartiers à l’abandon où seules se risquent encore des institutrices de 22 ans !), c’est l’ACTION DE CLASSE, le maillage militant, la reconstitution du puissant réseau qu’ont pu constituer par le passé les cellules communistes et les organisations de classe portées par le Parti communiste français, alors digne de son appellation. Bref, reconstruire le parti, le syndicalisme de classe, le Front de Résistance Antifasciste Patriotique et Progressiste contre l’UE reste l’axe principal – mais pas unique – de la lutte pour la « sécurité ». Du reste, les Sarkozy et les Valls seront oubliés rapidement par notre peuple – qu’apporteront-ils donc à notre peuple, si ce n’est plus de prisons et moins d’écoles ? – alors que tôt ou tard, l’histoire rendra justice au grand Ambroise Croizat, le ministre communiste du Travail qui, en 1945/47, mit en place les remboursements-maladies, les retraites par répartition, les comités d’entreprise, les conventions collectives nationales et le droit du travail (rien que ça !) bref, les bases socio-économiques matérielles de la SECURITE SOCIALE « à la française ». Ajoutons qu’il ne saurait être question de réclamer l’ordre et la sécurité – comme il est si nécessaire de le faire dans ces quartiers de non-droit que la police abandonne aux trafics – sans dénoncer vigoureusement l’état scandaleux et ignoble du système carcéral : sans entrer ici dans une discussion de fond sur le bien-fondé de la prison, il faut rappeler que la peine prononcée contre un condamné consiste dans la privation de liberté et non pas dans l’enfermement 22 heures sur 24 dans des cellules sales et surpeuplées, dotées de « toilettes » dégueulasses, mêlant les pires caïds aux primo-délinquants et condamnant de fait chaque année des centaines de jeunes au suicide en prison ou à la contamination par le Sida, alors même que nos bobos vite satisfaits se satisfont de la prétendue abolition de la peine de mort par Saint-Badinter, l’homme qui valide tous les diktats antisociaux de l’UE dans le cadre du Conseil constitutionnel ! Disons pour finir qu’une réflexion sur l’ordre doit être posée dans une perspective clairement dialectique. Non seulement l’ordre d’une société socialiste « juste » diffère de l’ordre capitaliste par le fait qu’il sert la classe laborieuse et non les capitalistes, mais il doit nécessairement intégrer – étant un ordre progressiste, donc en mouvement – une dimension de désordre et d’anarchie bien tempérés s’il est vrai que le but final du socialisme est de mettre au monde une société communiste au sens plénier du mot : une « société sans classes » dans laquelle l’Etat « politique » s’éteindrait peu à peu (Marx, Engels, Lénine n’ont cessé d’y insister), se doit d’offrir à chaque collectif communiste, à chaque travailleur, un maximum d’initiative politique, idéologique et culturelle. Mais cette créativité ne saurait être mise au service du « chacun pour soi et du profit pour qui pourra » ; elle serait évidemment mise au service du développement général des capacités de chacun et de ce que Babeuf, fondateur du communisme moderne, appelait le « bonheur commun ». Ce serait là le lieu de développer une réflexion sur les rapports entre la planification et l’autonomie de gestion dans le cadre de la propriété sociale des moyens de production (se pose aussi bien sûr, comme on le voit à Cuba, la question d’une part subordonnée de l’économie réservée, du moins dans un premier temps, au « marché »), mais une telle réflexion sortirait, comme chacun le comprendra aisément, des limites prescrites à la présente réflexion, et peut-être d’ailleurs des compétences économiques de l’auteur. II – Comment aborder la question de l’immigration d’un point de vue de classe prolétarien ? Le champ politico-idéologique actuel est partagé à l’heure actuelle entre deux camps, à la fois rivaux et complices, qui se renvoient la balle au détriment d’une véritable approche de classe, républicaine et prolétarienne à la fois, de la nation et de la coopération internationale en matière de main-d’œuvre :
  • Le camp de la xénophobie et du racisme d’Etat représenté politiquement par l’UM’Pen en formation – entendons par là l’UMP du requin Copé, que les journaux étrangers qualifient ouvertement de raciste – et bien entendu, le FN de la dynaste Le Pen, qui depuis des décennies dresse les Français « de souche » (sic) contre les immigrés originaires de l’ex-Empire colonial français. Cette politique de répression brutale cible tout particulièrement les immigrés « sans papiers », mais elle pénalise et humilie quotidiennement tous les Français plus ou moins colorés, ainsi que leurs conjoints et enfants. Cette catégorie de la population, dont la majorité des membres appartient à la classe laborieuse, est victime de fait de mille discriminations invisibles. Cette stigmatisation s’accompagne d’un discours de stigmatisation inlassable des « musulmans », d’une politique étrangère de « choc des civilisations» (tantôt contre l’Irak, tantôt contre la Libye, la Syrie, l’Iran), d’un discours semi-raciste sur la Turquie, d’une utilisation éhontée de la « laïcité » – cette valeur républicaine d’intégration qu’il est honteux de pervertir pour en faire l’arme d’une exclusion – à l’encontre des Français musulmans. A l’arrière-plan de cette stigmatisation des « immigrés clandestins » (sic), se profile la politique étrangère néocoloniale et impérialiste de la Françafrique, avec ses interventions militaires à répétition dans l’ancien « pré-carré » français d’Afrique. Cette politique de classe s’est « enrichie » sous Sarkozy de la politique, très clairement inspirée par le MEDEF, dite de l’immigration choisie (par l’importateur de main-d’œuvre, pas par le travailleur africain) qui consiste à piller les ressources en main-d’œuvre de l’Afrique et des ex-pays socialistes de l’Europe orientale, sans en payer les coûts en termes de formation, de retraite, de politique de l’enfance et d’indemnisation du chômage : dans les faits, c’est toujours la politique que critiquait Béranger dans sa chanson Mamadou (« On a pressé le citron on a jeté la peau ! ») ; à l’arrière-plan de la Françafrique, que stigmatise à juste titre mais de façon trop unilatérale la gauche-bobo et l’extrême gauche altermondialiste, il faut également dénoncer la Franceurope, la Françallemagne et l’Union transatlantique qui, sur fond de vente à la découpe de l’Etat-nation français, pratique à grande échelle la désindustrialisation et la délocalisation de l’emploi
  • Le camp de la gauche bobo et de l’extrême gauche petite-bourgeoise, qui tout à la fois, idéalise « l’immigration » et les « flux migratoires» en maudissant les nations, les frontières (« no borders ! »), les langues autres que le globish (et certaines « langues régionales ») et en exaltant le prétendu droit pour chaque humain de s’installer là où il le « veut »[9] ; bien entendu, il ne saurait être question une seconde de renvoyer dos à dos les « beaufs » et autres fachos qui « cassent du bougnoule » et les milliers de résistants sociaux, y compris pour certains, petits bourgeois[10], qui défendent les migrants et les ouvriers sans-papiers en affrontant l’Etat policier français. Simplement, il faut noter que, d’une part, la gauche établie n’utilise le discours « pro-immigration » qu’à des fins strictement électorales, pour capter les voix des Français issus de l’immigration, et qu’à des fins antinationales, pour expliquer que les nations sont finies ; dans la réalité, les politiques menées par les ministres « socialistes » ou apparentés, les Chevènement, Vaillant, Manuel Valls, ne diffèrent guère dans les faits des politiques de droite : expulsions à la chaîne, rétention sous différents noms, politique ouverte ou déguisée du chiffre, c’est la continuité des comportements crypto-xénophobes derrière la rupture des discours et des envolées lyriques.
En outre et surtout il faut remarquer que cette ligne d’ouverture maximale des frontières est défendue par le MEDEF de Laurence Parisot au nom de la « compétitivité » de l’économie française. Il est clair en effet que l’entrée massive d’immigrés est souhaitable pour le patronat dans la mesure où elle permet de peser fortement sur la demande d’emploi, donc sur les revendications salariales, notamment sur celle des OUVRIERS des usines et des chantiers, cœur du prolétariat de France[11]. C’est une question de « marché de l’emploi », d’offre et de demande, et personne ne peut croire que Lady Parisot, qui passe son temps à saquer les retraites, les salaires, les remboursements maladies et tous les acquis ouvriers, soit subitement touchée par la grâce « humanitaire » quand elle dit vouloir accueillir « librement » plus de main-d’œuvre étrangère. Son objectif égoïste est de mettre en concurrence un maximum de prolétaires français et étrangers pour le même nombre de postes de travail et ainsi, faire baisser les salaires, mettre ainsi tous les prolétaires sur la défensive, avec en prime, la possibilité de les opposer entre eux sur des bases ethniques, les « Français de souche » (sic) tendant à écouter le FN et les « immigrés » tendant à se replier défensivement sur la « communauté » ethnico-religieuse au lieu de participer à la lutte de classe générale des prolétaires français : une telle politique est évidemment tout bénèf pour le MEDEF économiquement, politiquement et idéologiquement ! Ajoutons que cette politique d’immigration « choisie » (par les patrons « français », pas par les ouvriers étrangers ou français poussés vers l’emploi précaire ou vers le chômage en fonction des exigences du profit  !), est la continuation dans le sens sud-nord et est-ouest de la politique de délocalisation (dans le sens nord-sud et ouest-est) des industries et des services que poursuit avec acharnement le MEDEF depuis des décennies [12]En délocalisant la grande industrie française en Asie ou en Europe de l’Est, en important de la main-d’œuvre taillable et corvéable de l’Est et du Sud, l’objectif de classe obstinément poursuivi par MM. les capitalistes est de CASSER la combativité de la classe ouvrière de France (immigrés inclus) comme se refusent trop souvent à le voir, pour coller à la petite bourgeoisie « politiquement correcte », nombre de pseudo-« léninistes ». Retombée non négligeable, cette politique permet aussi de dominer économiquement les ex-pays socialistes de l’Est et de les arrimer à l’UE en conjurant les possibilités de restauration socialiste à l’Est puisque la classe ouvrière de ces pays – notamment de la Pologne – est sans cesse écrémée de sa partie la plus dynamique (qui est tentée de trouver une issue individuelle à ses problèmes d’emploi en partant à l’étranger à l’abri des accords de Schengen plutôt que de lutter collectivement sur place pour reconstituer l’industrie socialiste cassée par la contre-révolution capitaliste pilotée par l’Occident avec l’aide des Walesa et autre Woytela).
  • Au final, ces deux approches bourgeoises apparemment contradictoires (celle des « beaufs » et celle des « bobos », celle, d’une part, de M. Le Pen/Copé/Valls et celle, d’autre part, de L. Parisot ET de « Libé ») se rejoignent et se conjuguent sur le dos des prolétaires du nord, de l’Est et du Sud, sur la peau des nations constituées (celles de l’Est, du Sud, mais aussi de l’Ouest et du Nord) avec pour objectif central d’affaiblir mondialement et nationalement le Travail par rapport au Capital. Il s’agit ici, relativement à la politique de main-d’œuvre, de la même « tenaille » politico-idéologique que celle que seul, le PRCF dénonce inlassablement dans notre pays sur un plan plus général : celle qui STRANGULE le peuple de France en l’enserrant entre les deux mâchoires de l’étau politique et idéologique constitué, d’une part par le Parti Maastrichtien Unique (le PMU-bis) formé du PS, du « Centre » et de l’UMP, d’autre part par l’UM’Pen en gestation autour de Copé et du « rassemblement bleu marine». A noter qu’ici, la xénophobie d’Etat et l’auto-phobie nationale se conjuguent parfaitement, comme nous l’avons montré dans un récent article sur Les racines de classe de l’autophobie nationale. Quoi de plus efficace, au moment où l’oligarchie hexagonale en mal de mondialisation démantèle la France (destruction de la souveraineté monétaire, budgétaire, militaire, et bientôt institutionnelle et politique au nom du « saut fédéraliste européen »), où elle prétend, avec L. Parisot « reconfigurer les territoires » (Euro-régions remplaçant la République une et indivisible héritée des Jacobins), où elle cherche à « désétablir » le français au profit du tout-anglais (en feignant de revaloriser les langues régionales par l’adoption de la très dangereuse Charte européenne des langues minoritaires et régionales), en marginalisant l’histoire de France dans les manuels scolaire, en dynamitant tous les acquis sociaux et démocratiques hérités de 1789, 1793, 1905, 1936, 45, 68[13], que de dévier la colère des ouvriers marginalisés, des employés précarisés, des fonctionnaires vilipendés, des paysans ruinés, des artisans pressurés par la TVA et la CSG, non pas contre l’oligarchie des milliardaires, ni contre la « construction » européenne, mais contre les OUVRIERS immigrés (ou inversement, contre les ouvriers français), contre les frères de classe, contre l’unité de la classe laborieuse sans laquelle aucune victoire ne sera remportée contre les capitalistes ?
C’est pourquoi le PRCF, qui associe en permanence le combat pour l’indépendance au combat internationaliste du prolétariat pour le socialisme, se doit de poser sur des bases de classe les tâches des communistes sur la question de l’immigration. A – Partir d’une approche de classe, matérialiste-dialectique, mobiliser le marxisme pour aborder ces questions. Les duellistes-duettiste de la pensée bourgeoise voudraient nous enfermer dans une approche métaphysique, c’est-à-dire idéaliste et antidialectique, de l’immigration en opposant deux « solutions » symétriques, incompatibles en théorie mais étroitement solidaires en pratique : nous sommes ainsi sommés de répondre à la question-piège : « pour ou contre l’immigration ? ». D’abord, c’est confondre le processus d’immigration, qui est au cœur de la mondialisation capitaliste, et les migrants eux-mêmes, sans d’ailleurs faire le tri entre les travailleurs immigrés et cette partie de la bourgeoisie étrangère fusionnant avec l’oligarchie hexagonale qui s’installe en France pour travailler à la décomposition du pays. Pourtant, la fracture de classes divise aussi l’immigration avec, d’un côté une immigration prolétarienne (provenant essentiellement des pays francophones d’Afrique et, depuis dix ans, de l’Est européen) et de l’autre une immigration nantie qui, par certains aspects (achats massifs et même, systématiques, de terrains en France, regroupement territorial par origines nationales, substitution de facto de l’anglais au français dans certaines contrées – Normandie, Côte-d’Azur, Limousin, banlieue Ouest de Paris… – renchérissement du foncier et exclusion de fait des « indigènes de la République » de l’accès à la propriété du sol ou des maisons, mainmise sur certaines forces productives, avec à l’arrière-plan l’appropriation du CAC 40 par les actionnaires anglo-saxons et pétro-monarchiques : cf le rôle du Qatar) participe d’une colonisation rampante de la France, que ce soit par le biais de l’Europe du nord nantie vectrice d’anglophonisation ou, dans certains territoires (Côte-d’Azur…) des « nouveaux Russes » (avec parfois un côté ouvertement mafieux). Il est par exemple indispensable d’aborder la question du vote des étrangers d’un point de vue de classe. Car déjà, les étrangers « communautaires », qui appartiennent largement aux classes privilégiées – peuvent voter aux municipales et aux européennes, et nul ne leur demande pour autant de comprendre ou de parler notre langue : ce sont au contraire des bulletins municipaux de plus en plus nombreux (par ex. autour de Neuilly et du Vésinet) qui deviennent sereinement bilingues en attendant pire (inutile de dire qu’il n’y a jamais eu la moindre attention des mêmes édiles de droite à l’égard des arabophones) alors que les langues de l’immigration de travail (arabe, berbère, mais aussi portugais ou italien) sont presque totalement ignorées dans nos lycées publics. Source et suite => http://www.initiative-communiste.fr/articles/culture-debats/quelques-reflexions-preliminaires-les-questions-societales-g-gastaud/

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